Tandis que la polémique sur le patrimoine des candidats à la présidentielle enfle, je retrouvais ce matin Rachel.
Dans un style tout en négligé, voulu ou naturel je me le suis toujours demandé, Rachel arborait son éternel air enjoué.
Elle avait eu hier soir une réunion de section.
– Hier soir, lors de notre réunion de section, les camarades étaient offusqués des méthodes de Sarkozy et de son parti tout en se montrant interrogatifs sur la campagne de notre candidate, me dit-elle d’emblée.
– Finalement, ils sont le jouet de l’actualité véhiculée par les médias. J’aurai pourtant cru qu’ils décryptaient l’information qui leur était livrée en pâture, que des éléments de réaction vous étaient fournis pour contrecarrer l’effet nocif pour votre candidate.
– C’est aussi ce que je pensais. Au lieu de cela, on nous rassure, comme dans une réunion des alcooliques anonymes. « Non elle ne fraude pas le fisc, oui elle paye l’Isf et qu’elle considère cela normal puisque nous sommes pour l’Isf, tout cela n’est qu’une machination de Sarkozy aux méthodes plus que douteuses etc. » Et, quand un camarade s’interroge sur l’impact de cette campagne nauséeuse, on nous demande de garder notre sang froid car des coups bas comme celui-là, il y en aura d’autres durant la campagne. Et, quand un autre suggère de contre-attaquer, il voit sa démarche refroidit sous prétexte d’alimenter la rumeur hostile. Du coup, il propose d’allumer un contre-feu, sans suite. Retour à la campagne participative.
– Tu veux dire que la section est un bateau ivre, sans feuille de route de la direction de campagne ?
– J’en ai bien peur. Les camarades râlent à ce sujet, s’en prennent aux communicants qui, selon eux, cherchent à exclure les militants de la campagne.
– Que les communicants agissent de la sorte il n’y a rien de surprenant puisqu’ils sont habitués à travailler avec des entreprises, sur des procédés bien huilés, dans lesquelles n’interviennent pas des tiers comme les militants. En revanche, que les dirigeants politiques de la campagne n’intègrent pas les militants dans les actions entreprises, cela est plus surprenant.
– Les militants, en tout cas les plus anciens, les plus chevronnés en campagne électorale, le ressentent et s’en agacent. Par certains côtés, ils sont un peu caricaturaux et ont tendance à nous prendre de haut, nous les nouveaux arrivés.
– Et leur moral, comment est-il en ce moment ?
– Il y a une véritable inquiétude concernant la candidate et sa campagne. Les débats participatifs sont d’un ennuyeux contrairement à ce que j’entends de la part de nos dirigeants qui y voient un enthousiasme jamais vu à ce jour. Dans le meilleur des cas, on découvre des expériences et/ou des initiatives personnelles, certes intéressantes, mais dont on se demande bien le rapport avec un projet présidentiel.
– Demandez à l’Etat, car l’Etat peut tout pour vous. C’est la politique du « Y’a qu’à ». L’Etat est le docteur de nos maux de société ; Pour les SDF l’Etat n’a qu’à construire des logements, pour l’emploi l’Etat n’a qu’à créer des emplois aidés, pour la santé l’Etat n’a qu’à rendre gratuit les médicaments …
– Tu éxagères, l’Etat doit quand même jouer un rôle incitatif.
Rachel, avec sa sincère naïveté, est prête à constater l’état des choses mais de là à accepter un effort, elle préfère s’en remettre à l’Etat, c’est tellement plus simple. La vérité n’est pas toujours agréable à entendre alors on évoque l’injustice, le bien et le mal; quand c’est bien les individus en sont responsables, quand c’est mal, c’est l’Etat et donc les hommes politiques.
On peut craindre que cette campagne présidentielle soit une non-campagne, une campagne de faits divers provoquant beaucoup de déceptions au final. De toute façon, les candidats, enfermés dans leur stratégie de communication à base de sondages, refusent d’aborder les sujets qui fâchent au risque de décevoir. C’est ainsi que le vote utile entraînera, tôt ou tard, le vote inutile tout comme le « yes need the no to win » de Raffarin lors de la campagne du référendum sur la constitution européenne.